– Qu’as-tu ressenti dès les premiers temps de ton entrée en Islam ? [1]
Une intense sensation de bien-être
intérieur. Elle était fortement liée à tout ce que nous avons déjà évoqué, mais aussi due au fait de pouvoir appréhender la vie et son sens avec une nouvelle grille de lecture. Quoi qu'en disent les vendeurs de lampes, l'Islam est et restera la religion de la cohérence. Avec les informations qu'elle t'apporte, de nombreuses zones d'ombre relatives à ton existence s'éclaircissent. Les questions auxquelles tu n'avais pas obtenu de réponse jusqu'alors, les épreuves
que tu as eu à surmonter, tout prend place dans un ensemble clair et équilibré. Cette sensation de paix, on ne la trouve ni dans l'alcool, ni dans la drogue, ni dans les antidépresseurs ou le divertissement à outrance, pas plus qu'on ne la trouve - d'une manière durable j'entends - en montant le son à fond au point de ne plus s'entendre avoir besoin de réfléchir au calme, elle n'existe
nulle part ailleurs. Pour quiconque prend le temps d'observer le monde qui l’entoure, qu'il
s'attarde sur la terre, la mer, le ciel, les plantes, les animaux ou les
êtres-humains, ce qui s'apparente de loin à un chaos total s'avère être encore
mieux réglé qu'une montre suisse. Le fait d'intégrer ce système harmonieux, tout en y saisissant ta place et ton rôle,
c'est te laisser aller enfin à suivre le cours de la rivière après avoir passé des années à t'y débattre à contre-courant. Tu souffles, tu te sens bien, c'est là. Ce que
procure réellement le fait de poser son front sur le sol avec le cœur en paix
ne s'exprime que très partiellement, même à travers une image, et aussi belle
soit elle. Bien évidemment, à côté de cela, la vie n'en devient pas pour autant un long fleuve
tranquille. A cette sensation de bien-être, viennent s'ajouter des tas de
nouvelles questions : les ablutions, la prière, quand et comment les accomplir ? Pour commencer. Puis, très rapidement, c'est au tour des interrogations concernant tes habitudes, ton
environnement, ta nourriture, tes relations sociales. En fait, l'Islam englobant tous les aspects de la vie, tu te retrouves facilement à te questionner sur tes moindres
faits et gestes.
– Qu’as-tu entrepris en premier
suite à ta conversion ?
J'ai cherché à vivre en cohérence
avec mes convictions. Et tous ceux qui ont fait le pas pourront témoigner de ce
qui suit : aussi chère soit elle à tes yeux, il n'est pas une action, une activité, une passion ou une fréquentation que tu
délaisses en vue de te conformer à ce que tes croyances impliquent, sans qu'il ne te soit accordé meilleure et plus profitable qu'elle. Il faut
juste se lancer. Pour ma part, tout a été facilité. Déjà, je souhaitais arrêter
la musique depuis bien avant ma conversion, dans la période qui a suivi mon troisième
album pour être exact. A cette époque, ce n'était pas pour des raisons religieuses. Ce n'était pas
non plus, comme j'ai pu le lire quelques fois, dû à un manque de reconnaissance
ou de succès. Car même si nous n'étions pas souvent mis sur le devant de la
scène médiatique, en raison notamment des propos critiques que nous tenions à de nombreux
sujets, notre succès d'estime se mesurait sur le terrain. Et nous y étions assez sollicités
pour continuer d'en vivre. Modestement certes, mais selon l’éthique que nous
défendions. C’était l’essentiel. En fait, c'est uniquement parce que deux de
mes proches de l'époque m'ont demandé de ne pas arrêter à ce moment-là que j'ai
continué. L'échéance a été repoussée le temps d'un nouveau cd, mais l'intention
de mettre fin à ma courte carrière était déjà présente.
Quelques jours avant ma conversion « officielle », nous venions de sortir des studios d'enregistrement et mon quatrième album partait à la fabrication. |
Quelques jours avant ma conversion « officielle », nous venions de sortir des studios d'enregistrement et mon quatrième album - La rage de dire - partait à la fabrication. Nous étions en train d'en préparer la campagne promotionnelle. Mieux (ou pire) que ça, financièrement parlant, j'étais en fin de contrat. Aussi bien du point de vue de la maison d'édition que de celui de la maison de disque qui me produisait. Ce qui signifie, je précise pour ceux des lecteurs qui ne sont pas au courant des pratiques de ce milieu d'escrocs, que j'en étais à ce que l'on peut appeler un moment clé de la carrière d'un artiste. Un moment où l'on peut te proposer une somme conséquente d'argent en fonction des choix que tu fais et des accords que tu signes. C'est l’une des épreuves de ceux qui se retrouvent dans ce genre de situation. D'un point de vue matériel, tu as l’impression de sauter sans filet. D'un point de vue personnel, tu replonges dans l'anonymat. Or, l'amour de l'argent et de la renommée sont deux facteurs qui empêchent beaucoup de gens en place de délaisser le monde de la musique. Parmi eux, certains musulmans connaissent très bien la position de la grande majorité des savants de l’Islam à son sujet. Mais vu que beaucoup de ceux qui les entourent souhaitent secrètement vivre (ou continuer de profiter de…) ce qu'ils prétendent espérer pouvoir délaisser un jour, très peu nombreux sont les gens qui les encouragent à le faire. D’où l'importance, pour celui ou celle qui souhaite se mettre bien dans l'Islam, de changer d'environnement et de fréquentations s’ils sont en contradiction avec ses idéaux. Ne serait-ce que le temps de se renforcer. Cela ne signifie pas renier tes amis ou te croire meilleur qu'eux. Simplement, tu ne peux pas changer tes habitudes en restant avec ceux qui en font partie. C'est une décision douloureuse car elle te pousse à t'écarter de ceux que tu aimes. Mais il faut la prendre. A moins que vous ne décidiez tous, et au même moment, d'en faire autant. Et je ne peux pas nier que, parmi les choses qui m'ont aidé à m'écarter complètement du monde de la musique, hormis que j'en étais déjà relativement détaché, il y a le fait que je me coupe complètement de l'environnement dans lequel j'évoluais. De plus, ma conversion suscitant en moi de nombreuses questions concernant la vie de tous les jours, j'avais envie de me poser pour apprendre ma religion et réfléchir à tout ça.
On entend souvent parler du
« zèle » des convertis quand il s'agit des études religieuses. Qu'en
penses-tu ?
Parler de convertis sans tomber dans les clichés et les malentendus est assez délicat. Donc, dans le cadre de cet échange, nous entendrons par converti : « Toute personne issue d'une famille non musulmane et qui décide, par conviction, d'accepter l'Islam comme croyance et mode de vie ». A mon sens, et au-delà de cette acception du terme, il n'y a pas de
converti « type ». Nos origines, l'éducation reçue, nos parcours respectifs, les milieux dans lesquels
nous avons évolué avant l'Islam, notre cheminement spirituel et tout un tas d'autres facteurs qui entrent en jeu
font qu'il est difficile de parler des convertis comme d'un ensemble monolithique. Je vais essayer de soulever quelques points qui me semblent
importants à ce sujet en évoquant mon expérience personnelle, différents
profils que j'ai eu l'occasion de rencontrer, ou de fréquenter. Mais il est
évident que le sujet est bien plus vaste que ce que je saurais pointer du doigt.[2] De là, et pour revenir à la
question initiale, je ne crois pas que les convertis soient de plus fervents
étudiants que les autres. Simplement, au moment où l'on entre en Islam, ce
qui peut éventuellement nous différencier de ceux ayant grandi dans une famille
musulmane, c'est que nous n'avons aucun doute sur la faiblesse de notre bagage
religieux. Et comme connaître son ignorance c'est déjà un grand pas de fait sur
la route du savoir, beaucoup d'entre nous hésitent moins avant de s'engager
dans l'apprentissage. C'est ressenti comme quelque chose de vital. En même
temps, ceux qui ne sont pas convertis et reviennent à l'Islam après quelques
années d'absence ou une adolescence loin de ses préceptes me semblent ressentir
à peu près les mêmes besoins que nous. Même la particularité d'avoir une
famille non-musulmane et le souci que suscite chez elle le fait de nous
découvrir « tout à coup » religieux, n'est pas si éloignée de ce
qu'ont à surmonter les frères et sœurs dont les parents se disent musulmans
« non-pratiquants » ou revendiquent une pratique que certains
qualifieront de légère. Parfois, c'est même encore plus difficile pour eux. Combien
de nos sœurs, pourtant issues de familles musulmanes, rencontrent des
difficultés lorsqu'elles se mettent à pratiquer leur religion sérieusement et
décident, par exemple, de porter le foulard et de se vêtir de manière à ce que
le regard des hommes ne se pose plus sur leurs corps ? De nos jours, beaucoup
de valeurs sont inversées. Nous traversons une époque complexe où la plupart
des généralités n'ont pas grand sens. En son sein, les histoires s'enchevêtrent,
interagissent. Et même si les profils sont différents, bien souvent, les
blessures se ressemblent. Celui qui pose son regard du point de vue de l'imam
au moment de la prière du vendredi dans une mosquée de France a vite fait de
saisir, par le biais de ce que renvoient les visages des fidèles, une mosaïque
de parcours qui témoignent de ce fait.
Personne issue d'une famille non musulmane et qui décide, par conviction, d'accepter l'Islam comme croyance et mode de vie
|
- As-tu des choses à ajouter au sujet des convertis ?
Déjà, que ce n'est pas un statut social censé nous définir éternellement. Une fois que tu es convaincu et que tu acceptes l'Islam, tu deviens un musulman parmi les autres. Avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. Certainement, tu as un parcours qui t'est propre ainsi que des particularités. Mais c'est le cas pour chaque être humain à la surface de cette planète, pas une caractéristique propre à celui ou celle qui devient musulman(e) en France. La question de l'identité du converti est très pointue. La question de l'identité en général aussi d'ailleurs. D’où toutes les crispations que l'on retrouve autour de celles-ci. Du croisement des cultures à l'affirmation de soi et au respect de l'autre, en passant par le fait de s'enrichir de la différence sans en arriver à l'aliénation de celui qui va jusqu'à s'en oublier lui-même, les limites sont subtiles. Et quel que soit le point de vue d'où l'on regarde la scène, le scénario se vérifie. Car à l'époque où certains aiment à prétendre que le monde est devenu un village, peu de ses habitants savent réellement qui ils sont et d’où ils viennent. Et ne parlons même pas d’où ils vont. Ajoute à cela l'ignorance généralisée des préceptes de l'Islam et de ses objectifs, les amalgames entre religion et culture, la désinformation médiatique à outrance et les plaies de l'histoire encore toutes fraîches. C'est difficile de te retrouver entier à la fin de l'état des lieux. En réalité, même si l'on en parle parce que c'est le sujet, que tu sois converti ou pas ne change pas grand-chose à la problématique des identités qui ont du mal à trouver leurs repères. Le racisme, lui, trouve aussi bien sa place dans le fantasme que dans l'appréhension. Quoi qu'il en soit, en tant que musulman, c'est par tes croyances que tu définis ton rapport aux autres. Si tes croyances sont correctes, ton comportement suivra. Peu importe l'origine et la couleur de celui ou celle à qui tu as affaire. Et même si tu as des manquements dans tes relations avec les autres, plus tu feras des efforts pour être en accord avec les principes de l'Islam, plus tu seras un bien pour les gens qui t'entourent. Et le racisme ne fait pas partie de ses préceptes.
Déjà, que ce n'est pas un statut social censé nous définir éternellement. Une fois que tu es convaincu et que tu acceptes l'Islam, tu deviens un musulman parmi les autres. Avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. Certainement, tu as un parcours qui t'est propre ainsi que des particularités. Mais c'est le cas pour chaque être humain à la surface de cette planète, pas une caractéristique propre à celui ou celle qui devient musulman(e) en France. La question de l'identité du converti est très pointue. La question de l'identité en général aussi d'ailleurs. D’où toutes les crispations que l'on retrouve autour de celles-ci. Du croisement des cultures à l'affirmation de soi et au respect de l'autre, en passant par le fait de s'enrichir de la différence sans en arriver à l'aliénation de celui qui va jusqu'à s'en oublier lui-même, les limites sont subtiles. Et quel que soit le point de vue d'où l'on regarde la scène, le scénario se vérifie. Car à l'époque où certains aiment à prétendre que le monde est devenu un village, peu de ses habitants savent réellement qui ils sont et d’où ils viennent. Et ne parlons même pas d’où ils vont. Ajoute à cela l'ignorance généralisée des préceptes de l'Islam et de ses objectifs, les amalgames entre religion et culture, la désinformation médiatique à outrance et les plaies de l'histoire encore toutes fraîches. C'est difficile de te retrouver entier à la fin de l'état des lieux. En réalité, même si l'on en parle parce que c'est le sujet, que tu sois converti ou pas ne change pas grand-chose à la problématique des identités qui ont du mal à trouver leurs repères. Le racisme, lui, trouve aussi bien sa place dans le fantasme que dans l'appréhension. Quoi qu'il en soit, en tant que musulman, c'est par tes croyances que tu définis ton rapport aux autres. Si tes croyances sont correctes, ton comportement suivra. Peu importe l'origine et la couleur de celui ou celle à qui tu as affaire. Et même si tu as des manquements dans tes relations avec les autres, plus tu feras des efforts pour être en accord avec les principes de l'Islam, plus tu seras un bien pour les gens qui t'entourent. Et le racisme ne fait pas partie de ses préceptes.
- Le racisme au sein de notre
communauté n'en reste pas moins une réalité palpable. Non ?
L'Islam est innocent du comportement des racistes qui s'en revendiquent... Les textes sont nombreux à ce sujet. |
- Trouver sa place dans la
communauté musulmane, est-ce une chose facile ?
La façon dont tu vas appréhender
la vie en groupe est très liée à ta propre personnalité et à ton vécu. On peut
t’aider à t’intégrer à un groupe, mais personne ne peut le faire à ta place.
Dans un premier temps, il faut que tu en ressentes la nécessité. Et en cette
époque du virtuel où les gens ont facilement cinq cent « amis » sur Facebook
mais ne trouvent personne pour les aider à déménager, il est vital de bien
saisir l’importance d’apprendre à vivre en communauté. Dans la vraie vie. Celle
où les affinités ne s’arrêtent pas à un « + » ou un pouce vert et
dont les avantages ne sont pas dissociables des inconvénients. La base de
référence en Islam est que les musulmans sont des frères. Ils forment une
communauté. Et quelles que soient les difficultés que tu puisses rencontrer
avec certains des membres qui la constituent, cette famille reste ta famille.
D’autant plus que, celle-ci, tu l’as choisie pour la noblesse de ses idéaux et
que, de ce fait, tu as aussi des responsabilités à son égard. Aucun doute que
pour rayonner comme elle le doit, notre communauté a besoin du savoir-faire et
de l'expérience de chacun de ses membres. Etant donné que les convertis sont le fruit de leur contexte et qu'ils le maîtrisent généralement assez bien, il va de soi qu’eux aussi ont un
rôle à y jouer. Et même si certains responsables associatifs un peu trop
accrochés au pouvoir et ayant du mal à lâcher du lest ne l'acceptent que difficilement - lorsqu'ils veulent bien l'accepter - il
est évident qu’il faut et qu’il y a de la place pour tout le monde. Cependant, apprendre à
se connaître à et vivre ensemble malgré nos différences prend du temps. C'est en cours, mais ça demande de la patience. Et le musulman doit apprendre à patienter. Même si
parfois c’est lourd et qu’il faut faire ses preuves. Car personne de censé ne
te donnera de responsabilités importantes si tu es un nouveau. Converti ou pas, rien ne t’est dû
en dehors de ton droit. Il faut donc s'efforcer de comprendre d’où nous parle
notre interlocuteur et l’inviter à en faire de même. Ne pas juger trop vite.
Nous chercher des excuses et des circonstances atténuantes dans le dialogue plutôt que des
manquements impardonnables qui causent l’éloignement. On doit s'entraider dans
le bien avec plus de zèle que d'autres ne s'entraident dans le mal, se
conseiller mutuellement et accepter les critiques. Et lors de celles-ci, se rappeler du fait que
« la douceur n’a jamais accompagné une chose sans l’embellir » [4] fait
partie des enseignements de l’Islam. De plus, en cas de désaccord, nos sources
sont là pour trancher. N’importe quel tordu peut détruire les efforts de
plusieurs années en quelques secondes. Construire, cela demande beaucoup plus
de compétences et de courage. C’est comme s’attarder sur ses propres défauts
avant de se préoccuper de ceux des autres. Car oui, en effet, les défauts ne se trouvent pas uniquement
chez les autres. Et employer la bonne méthodologie est primordial pour
l'équilibre et la bonne évolution d’une communauté. Chacun sa place et sa fonction, sans oublier le dialogue et l'ouverture d'esprit. Cependant, insistons à nouveau sur le fait qu’être un médecin reconnu par ses pairs, un journaliste
prolifique, un chercheur méticuleux, un historien appliqué, un orateur brillant,
un scientifique de renom, être particulièrement vif et intelligent, avoir
fait science-po où autres grandes écoles, ajouté au fait d’être musulman, ne fait pas de toi un commentateur
du Coran, ni un mufti. Malgré les compétences qui sont les tiennes, ces
caractéristiques en requièrent d’autres qui demandent des années d’efforts que
tu n’as pas fournis. Chacun d'entre nous doit donc connaître et reconnaître
ses limites, savoir dire « je ne sais pas » et passer le relais aux personnes
compétentes dans le domaine qu'il ne maîtrise pas. La fausseté et la discorde
s'installent facilement là où le savoir et le respect des gens de science n'ont
pas leur place. Pas besoin d'aller chercher bien loin pour faire ce triste
constat. Encore une fois, ce qui vient d'être dit ne concerne pas exclusivement
les convertis. Mais étant donné que nous faisons partie intégrante de la
communauté musulmane, cette question en recoupe de nombreuses autres.
- Il faudrait donc opter pour un
juste milieu entre l'humilité excessive et la vanité ?
Rester humble est un signe de
lucidité. Qui que tu sois. Parfois, les gens parlent peu, notamment les
personnes âgées, mais le simple fait de croiser leurs regards laisse entrevoir un
passé chargé d'émotions que peu d'entre nous auraient eu la force et le courage
de supporter. Je me souviens d'un courrier que m'avait envoyé une lectrice des premiers articles de ce blog dans lesquels je relatais quelques éléments autobiographiques. Elle m'a encouragé
dans ce sens et a souligné quelque chose de très important. Je ne me souviens
plus des termes exacts qu’elle a employés mais elle disait, dans le sens : « Je
crois que tout le monde a une histoire exceptionnelle. Simplement, tout le
monde n'a pas [le luxe d'avoir] le recul nécessaire sur sa propre vie pour la saisir, ni
forcément les mots qu'il faut pour la raconter ». J'ai trouvé cela très
vrai. Car chacun d'entre nous à une histoire singulière. Pas seulement les extravertis ne craignant pas de s’affirmer en société. Chacun d’entre nous.
C'est-à-dire aussi bien ceux qui viennent d'être cités que les gens timides, faibles ou réservés. Qui prend le temps
d’écouter leurs histoires ? Jeune, vieux, homme, femme, d'ici ou
d'ailleurs. Chacun a son parcours. Certains ont évolué dans l'Islam depuis leur
plus tendre enfance, d'autres l'ont choisi en chemin et adopté comme croyance et mode de vie. C'est
un choix qui n'est pas fait à la légère. Et les convertis eux aussi ont leur
histoire. Cette histoire, ne serait-ce qu'en raison de ce qu'elle a engendré
comme bouleversements dans les vies respectives de ceux et celles qui en sont
les fruits, et qu'ils ont eu à assumer quel qu'en soit le prix, est respectable
au même titre que l'histoire de chacun de leurs coreligionnaires. De plus, et sans pour autant s'en
enorgueillir, il faut que chaque personne qui accepte l'Islam demeure fière de ce choix, ne serait-ce qu'en se rappelant qu'une grande partie des Compagnons
du Prophète de l'Islam, notamment les premiers, ont accepté l'Islam à un âge avancé de leurs vies. Eux aussi se sont convertis. Ils étaient pratiquement
tous arabes, certes, mais pas moins étrangers parmi les leurs. Et ce qu'ils ont eu à vivre d'épreuves, concernant la
rupture avec leurs habitudes passées, les réactions de leurs familles face à
leur nouvelle croyance et ce que ce choix impliquait de sacrifices au quotidien
pour eux, sont autant de points communs avec ce qu'ont à vivre ceux qui, depuis lors et jusqu'à nos
jours, choisissent de devenir musulmans.
Et ne marche pas sur terre avec orgueil : jamais tu ne sauras fendre la terre et jamais tu n'atteindras la hauteur des montagnes.
[Coran : 17/37]
|
- Un mot au sujet des
personnalités converties à l'Islam ?
Oui, même si les deux points
précédents couvrent un vaste domaine qui mériterait d'être détaillé et illustré
par de nombreuses anecdotes, il est bien de conclure par un troisième point, qui
me touche encore plus particulièrement d'ailleurs. Qu'un chanteur, un sportif de haut
niveau, un acteur ou toute autre personne publique de renommée nationale ou
internationale accepte l'Islam, c'est une bonne chose pour lui. S'il est
sincère, c’est même la meilleure chose qui puisse lui arriver. En tous les cas c'est ce que nous croyons en tant que musulmans. Quant à cette
religion, elle ne tire pas ses lettres de noblesse du fait qu'un tel ou une telle
l'ait acceptée. Tu peux être touché du fait qu'une personne que tu apprécies entre en Islam, et sa personnalité peut-être telle qu'elle apporte effectivement un bien palpable à la communauté, mais n'en fais pas trop à son sujet. D'une part, c'est dangereux pour elle : sa pratique et sa spiritualité risquent d'être altérées par ton comportement excessif à son égard. Et d'autre part, c'est dangereux pour toi : si elle glisse, tu risques de la suivre ou de sombrer avec elle, fauché par la déception. Ensuite, voyons les choses telles qu'elles sont, ce n'est pas nous qui avons fait honneur à l'Islam et aux
musulmans en acceptant cette religion. C'est plutôt nous qui avons été honorés par le fait d'être affiliés à elle et sa communauté. De ce fait, quiconque souhaite prendre des
modèles, qu'il s'inspire de ceux au sujet de qui il n'a aucune chance de se tromper. Qu'il s'inspire de ceux qui sont morts parmi les premières générations de cette communauté, ou encore de ceux qui ont marqué le cours de son histoire depuis cette époque jusqu'à nos jours. Quant à tes contemporains, ceux que tu as vu jouer au foot ou entendu rapper des couplets que tu connais par cœur et que tu admires, qui t'a dit comment ils allaient finir ? Et si tu ne sais pas comment ils vont finir, pour quelle raison faudrait-il t'aventurer à les prendre comme exemples ? N'ayons pas peur de perdre notre « prestige » en éloignant les gens du culte de la personnalité. Encore une fois, c'est valable pour les gens dont il est question ici, mais pour beaucoup d'autres encore, y compris - à un autre niveau - chez les étudiants et les prédicateurs. Où en sommes-nous des enseignements de l'Islam et
de l'Unicité (« At-Tawḥîd ») auxquels nous invitons les autres, lorsque
nous laissons les gens rêver à notre sujet et nous élever à des statuts que
nous ne méritons pas ? Il faut dire aux frères et sœurs qui sont émus
par la célébrité de certains ou par la conversion de certaines célébrités de descendre de leur nuage. Soyez émus
avec modération. La route est longue pour tout le monde. Et soyez-le de
tout cœur le jour où vous aurez appris que leur destination finale aura été la bonne. En
attendant, le musulman à des références qui lui sont propres, des héros qui ont réellement existé et dont l'histoire n'attend qu'une traduction fidèle pour inspirer l'avenir. C'est leurs noms qui doivent faire vibrer le cœur de nos enfants. Et c'est à nous de transmettre la beauté et la grandeur de l'Islam aux nouvelles générations. L’Islam n’est pas un héritage à prendre à la
légère, ni un patrimoine culturel à brader contre un titre de séjour, une place en politique ou une chaire de faculté ; ce n'est pas non plus un gage de crédibilité à placer entre deux punch-lines toutes autant
malsaines que le support sur lequel elles sont mises en valeur. C’est évident
pour quiconque connait bien sa religion. Mais aujourd’hui, force est de
constater que la confusion s’est installée dans l’esprit des plus jeunes d’entre
nous. Et que l’épidémie n’épargne pas non plus leurs aînés...
(À suivre…)
[1] Dans un souci de cohérence et d'équilibre entre les différents extraits de l'entretien, la partie 3/6 a été partiellement réécrite et restructurée. Les thèmes qui n'y figurent plus sont traités dans les passages postérieurs...
[2] Pour la simple et bonne raison que ma sensibilité n’est pas « La » sensibilité des convertis. Et que personne ne m’a élu pour parler en leur nom.
[2] Pour la simple et bonne raison que ma sensibilité n’est pas « La » sensibilité des convertis. Et que personne ne m’a élu pour parler en leur nom.
[3] J'ai quelques anecdotes concernant le jour de l'aïd que j'espère pouvoir partager avec vous à l'occasion.
[4] « La douceur n'a jamais accompagné une chose sans l'embellir et elle n'a jamais été ôtée d'une chose sans que celle-ci n'en soit enlaidie » est une parole authentiquement attribuée au Prophète de l'Islam [rapportée par Mouslim].
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