– Comment t’es-tu intéressé à l’Islam ?
Comme on l’a vu précédemment,
l'Islam a toujours été plus ou moins présent dans l'environnement où
j'évoluais. Et comme toute personne qui se pose sérieusement la question, je
croyais déjà en l'existence d'un Créateur [1].
A part ça, je ne me souviens pas d'un moment précis ou d'un déclic particulier.
Il y a quelques anecdotes, bien sûr. Par exemple, lors d’une soirée, alors que
j’étais de passage en Martinique dans le cadre de l’enregistrement de mon troisième album - Détournement de son -, je suis allé m’asseoir seul au bord de la mer. Le ciel était dégagé,
très noir, et il y avait des étoiles partout, de tous les côtés. Je n’étais pas
habitué à ce genre de paysage. Non seulement je n’avais jamais vu autant d’étoiles
mais, en plus d’être innombrables, elles semblaient vraiment très proches.
C’était une atmosphère presque pesante. Au loin, j’entendais la musique,
l’agitation des gens qui s’amusaient, mais je restais fasciné par ces étoiles,
le fait qu’elles soient si loin en réalité, que l’univers soit si grand, si
complexe, si bien ordonné. Ressentir ce genre de vertige, ne serait-ce que quelques
minutes, à un moment de ta vie où tout semble tourner autour de toi te laisse
dans un état assez difficile à décrire. D’un côté, les gens te témoignent de
l’amour, partagent tes idées, t’accordent un statut particulier et reprennent même
en cœur ce que tu as écris seul un jour dans ta chambre ou ailleurs à des
milliers de kilomètres de l’endroit où tu te trouves. D’un autre côté, et pour
peu que tu t’accordes le temps d’y réfléchir - puis de l’admettre aussi - tu
sais très bien que tu n’es pas grand-chose. Une fourmi, un grain de sable et
encore bien moins que tout cela à l’échelle de l’univers. A cet instant, je
me souviens qu’il m’est venu à l’esprit le fait que l’on appelait les
célébrités du show-business des « étoiles », et que c’était
aussi prétentieux que ridicule.
Réfléchir à la grandeur et à la
perfection de la Création rappelle à l’homme qui il est vraiment. Quant au
monde du show-business, il te fait oublier. Il t’enivre. Il est comme la
télévision, les jeux vidéo et la musique dans les centres commerciaux, les
ascenseurs et autres grands magasins. Il te fait oublier qui tu es, d’où tu
viens et où tu vas. Ensuite, il t’invite à boire un verre à la terrasse d’un
monde superficiel et te fait croire que tu es exceptionnel. Difficile de ne pas
te prêter au jeu lorsque tout va dans ton sens. Or, si tu regardes bien, et même
si tu as réellement un certain talent dans un domaine donné, ta réalité de fragile
créature a tout pour te pousser à l’humilité. Car ce talent que les gens te
reconnaissent, même si tu en es vraiment doté, tu sais très bien que tu n’y es
pour rien. Tu es incapable de le transmettre à qui que ce soit. Et c’est
bien là la preuve que tu ne le possèdes pas réellement. C’est comme la beauté,
l’intelligence, le fait de « donner » la vie, etc. Les hommes et les
femmes se marient, s’accouplent, font des enfants et vont même parfois jusqu’à
s’enorgueillir lorsqu’ils en ont beaucoup. Mais d’où leur vient cette
capacité ? Qui a donné à ton épouse ce corps qui lui permet de donner la
vie ? Et toi, c’est grâce à ton intelligence que tu n’es pas
stérile ? Ta finesse d’esprit ? Parce que tu es un battant ? Une
machine de guerre surdiplômée ? Qui que tu sois, un courant d’air
t’enrhume et un simple moustique peut te donner la mort. D’où te vient cet
orgueil ? Pour qui te prends-tu ? Et pourquoi ne redescends-tu pas un peu sur terre ? Je n’avais pas souvent l’occasion de me retirer, d’être
vraiment seul. Et cette vie qui défile à une vitesse ahurissante te laisse
rarement le temps d’observer ces choses simples qui t’invitent à te questionner
au sujet du sens de ta présence ici-bas. En vérité, nous sommes entourés de signes.
Certains moments de l’existence sont plus propices que d’autres pour les
observer, les saisir. Mais ils sont là, du plus profond de nous-mêmes aux
horizons les plus lointains. Il faut juste prendre un peu de temps pour y réfléchir.
Un courant d’air t’enrhume et un simple moustique
peut te donner la mort. D’où te vient cet orgueil ?
|
- D’autres anecdotes ?
Oui, certainement. Mais rien que
personne ne puisse trouver en lui ou dans son entourage. Par exemple, celui qui
perd un être cher alors qu’il est encore jeune apprend à vivre avec la mort.
Elle est omniprésente et l’empêche même de s’accrocher trop fort aux gens qu’il
aime de peur de souffrir à nouveau s’il venait à les perdre. C’est automatique,
presque inconscient. Le fait de souvent penser à la mort t’apprend à tout relativiser,
tes joies comme tes peines, tes amours comme tes haines. Et c’est aussi un
aspect fort du cheminement spirituel. D’autre part, il y a ceux qui vivent dans
l’insouciance de cette réalité. Le jour où un être qui leur est très cher
quitte ce monde, ils commencent à réaliser que personne n’est éternel. Encore
pire si c’est un proche de leur âge, ou plus jeune. Beaucoup de gens reviennent
à la religion dans ces moments-là. Et il ne s’agit pas pour eux à cet instant,
comme certains sociologues aiment à l’affirmer, de « s’accrocher à
quelque-chose dans les moments difficiles ». C’est plutôt descendre du
nuage de l’insouciance suite à un électrochoc qui te met devant la réalité de
ton existence. De la même façon que cette personne est morte, tu vas mourir toi
aussi. Cela ne fait aucun doute. Quel que soit ton statut social et qui que tu
sois. Quand ? Tu n’en as aucune idée. La vraie question est : « Es-tu
prêt ? » Autour de toi il y a des gens qui affirment que tu n’as pas
été créé en vain, que ta vie à un sens et qu’après elle un autre monde
s’offrira à toi en fonction de ce que tu auras accompli ici. Plaisir, bonheur et
félicité à un degré que tu es incapable d’imaginer, ou souffrance, amertume et difficulté
dont tu n’as pas idée et que tu n’es pas en mesure de supporter, ne serait-ce que
l’ombre d’un instant. Ce sera l’un ou l’autre et pour l’éternité. Voila ce qu'ils disent. As-tu déjà
sérieusement réfléchi à la question ? Si non, étant donné qu’aucun d’entre
nous ne connait le moment de sa mort, n’est-il pas temps pour toi de t'y mettre ? Ou bien tu préfères rester à l’image d'un bébé dans le ventre
de sa mère, persuadé que la vie s’arrête ici et qu’il n’y a rien après
l’accouchement ? Il est pourtant tellement loin de la vérité ce bébé.
Et toi, sur quoi reposent tes prétendues certitudes ? Elles sont acquises par héritage et suivi aveugle ou ce sont de réelles et profondes convictions ? Toutes ces questions traversaient mon esprit. J’entendais parler
de l’Islam, je croyais en un Créateur et les autres religions ne m’avaient pas
convaincu. De là à faire le pas, il ne manquait pas grand-chose.
- Quelles-ont étés les grandes lignes
de ton cheminement ?
La période où j’ai sérieusement
commencé à m’intéresser à l'Islam se situe entre les années 1997 et 2000. Avec le
temps, j'avais atteint une certaine « maturité » que je n'avais pas à
mes débuts. Le fait de voyager, de rencontrer du monde, d'écrire, de chercher à
exprimer ce qui est au fond de toi, de témoigner de ce que tu as vu et vécu,
l'envie de communiquer, d'écouter les autres, de te battre pour tes idées, contre
les clichés, d'agir, de prendre ton destin en main, etc. Toutes ces choses, si
tu as un minimum de souci d'intégrité, te font beaucoup cogiter. Tu te
retrouves souvent face à toi-même, tes intentions, tes objectifs et les moyens
que tu te donnes pour les atteindre. En même temps j'aimais lire, chercher à
comprendre, comparer les points de vues. Avec l'expérience, c'est un peu comme
si j'avais réussi à faire mon petit bilan de la société dans laquelle nous évoluions.
Ses points forts, ses faiblesses, ses maladies, ses excès. Comme beaucoup
d’entre nous, je savais que la crise économique n'existait pas. Du moins, qu’elle
n’avait rien d’une crise. Que la réelle mixité sociale, j’entends par là pour
qui n’était pas prêt à jouer le noir ou l’arabe de service, n'existait qu’au bas
de l’échelle, dans le R.E.R bondé du matin, celui du soir, les tâches
subalternes après les usines déshumanisantes et autres délices réservés aux
gens du peuple. Tandis que les exceptions - car on ne pouvait nier qu’elles
existaient - ne faisaient que confirmer la règle précédemment énoncée. Que le
racisme était partout. À des degrés différents, certes, mais chez à peu près
tout le monde. Même si l’on entendait prétexter ci et là qu’il avait été
provoqué par des raisons distinctes, le résultat n’en restait pas moins tristement
le même. Qu'entretenir la peur ou la haine de l'autre, quel qu'il soit, faisait
le jeu d'une poignée de manipulateurs. Que des élus corrompus ne pouvaient être
facteurs d'unité sociale, que l'individualisme et la course aux richesses nous
tuaient. J'avais vu de mes propres yeux comment la société de consommation
dévorait les petites gens, « offerte » qu’elle était - et sans
contrepartie apparente - par des vendeurs de rêve très à cheval sur des
principes qu’ils n’avaient et n’ont toujours pas. Dettes, crédits,
impayés, huissiers, procès, saisies. Parcours infernal de l’ouvrier moyen, quelle que soit sa couleur, dans une
société malade ou licencier des pères de famille fait monter les actions en
bourse. De là, beaucoup d’entre nous ne voulaient pas de la vie qu’on nous
« offrait ». A quoi bon vivre honnêtement dans un système qui ne
semblait sourire qu’à la pourriture du monde ? Au nom de quoi ne pas se
servir ? Qu’avions-nous réellement à perdre ? Quoi faire ? Où
était l’alternative ? Marcher droit faisait de toi une victime. Utiliser
la machine à ton avantage faisait de toi un tordu sans principes. La prison attendait
les hors-la loi. Enfin, ceux du peuple. Le système mettait les insoumis en
marge, tandis que ceux qu'il n'arrivait pas à anesthésier par un vice ou une
passion quelconque, il les mettait hors d'état de nuire d’une façon ou d’une
autre. Voilà, à peu de choses près, les options de vies qui nous étaient proposées.
Après le bilan, c’est l’impasse. Tu te retrouves devant un système que tu sais parfaitement
bancal, générateur d’injustice à tous les niveaux de la société. Chacun voulant
tirer la couverture de son côté. Même lorsque celle-ci n’est plus qu’une vieille
serpillière miteuse, elle se retrouve disputée, sans pitié aucune, les longues
et froides nuits d’hiver des bas-fonds de Paris. Toute une liste de maladies,
mais pas de remède. Et toujours cette soif de justice. J'étais à ce stade de
mon expérience lorsque j'ai commencé à poser les yeux sur les textes de
l'Islam.
Voilà, à peu de choses près, les options de vies qui nous étaient proposées. Après le bilan, c’est l’impasse. |
–
Quels étaient ces premiers textes de l'Islam ? Y’a-t-il quelque chose de particulier qui t’ait marqué
à ce sujet ?
Les deux premiers livres que
j’ai lus au sujet de l’Islam sont : « Les jardins des vertueux »
de l’Imâm An-Nawawî ainsi qu’un second ouvrage concernant la croyance, la
jurisprudence et le bon comportement dans cette religion. On me les avait
offerts. Ce qui m’a marqué en les lisant, c’est de découvrir à quel point
l’Islam était un système complet qui embrasse tous les aspects de la vie
humaine. Il tient compte de l’état de l’individu, le fait que celui-ci ait des
besoins ainsi que des aspirations. Il lui explique clairement le sens de la
vie, d’où il vient et où il va d’une façon très accessible, cohérente et sans tortuosités.
De là, il lui indique le chemin permettant non seulement de réformer sa
personne mais aussi, à plus grande échelle, de réguler la vie sociale avec
justice et équité. Il est spiritualité mais ne demande pas à ses adeptes de
nier leur nature humaine, de vivre sans se marier, par exemple, en jeûnant
continuellement ou retirés du monde. Il est vie sociale mais invite ses adeptes
à la sincérité, à fuir l’ostentation, l’individualisme, la tricherie, la
corruption et à œuvrer dans l’intérêt du plus grand nombre ; qu’ils soient
en public ou en privé. Il rappelle à l’homme qui s’enorgueillit de quel genre
de liquide il a été créé et à celui qui baisse trop la tête qu’il est la plus
noble des créatures à la surface de la
terre, chargé d’une mission qu’il doit s’efforcer d’accomplir, dans les limites
de ses capacités. C’est un rapport avec ton Créateur, une spiritualité active
ayant un impact sur toi-même, ton comportement avec ta famille, tes voisins,
tes proches et le reste du monde. En fait, pour ne pas faire trop long, disons
que dès que j’ai commencé à parcourir les textes de l’Islam, j’y ai trouvé la
paix du cœur. Non seulement j’avais la réponse au pourquoi de ma présence sur
terre. Mais, en plus, s’offrait à moi un système complet permettant d’éradiquer
les maladies que l’expérience m’avait permis de diagnostiquer sans pour autant
me permettre de leur trouver un remède.
–
Combien de temps as-tu pris pour valider ton choix ?
Je ne sais pas. J'ai l'impression
que mon cheminement a débuté le jour où j'ai commencé à écrire. Ou plutôt, le
jour où j'ai compris que les mots avaient une valeur, un sens. Qu'on ne pouvait
pas se dédouaner de la somme de ce que l'on véhicule sous le prétexte d'être un
« artiste ». Qu'avant d'être « artiste » ou quoi que ce
soit d'autre, tu es un être-humain avec des responsabilités. Qu’à la surface de
la terre, il y a des forces et des idéologies qui s'affrontent. Et que tu
fasses semblant de ne pas les voir sous prétexte que ça te « saoule »
ou que tu « n’y comprends rien », ne fera jamais de toi un
innocent. J’ai pris le rap très au sérieux. Trop même. Ça prenait tout mon
temps. Toute ma vie. Mais paradoxalement, je ne ressentais pas ce vide
spirituel dont parlent beaucoup de frères et sœurs convertis lorsqu’ils
décrivent leur vie avant l’Islam. C’est peut-être dû au fait qu’à partir du
moment où j’ai quitté le crédo nombriliste de l’égo-trip, j’étais impliqué
corps et âme dans ce que je faisais. Nous avions un combat. A notre échelle,
tout avait un sens. Nos relations avec le public, le contenu de nos textes, nos
vies en dehors de la lumière des projecteurs. Tout était lié. Même si, bien
évidement, chacun d’entre nous avait ses faiblesses et ses écarts de
comportement, nous nous efforcions d’être cohérents. A ce sujet, je me souviens
avoir parlé de ma façon de voir la notion d’intégrité du point de vue de l’écriture
en général et du monde du rap en particulier avec une connaissance à l’époque
et qu’il m’a répondu : « Mais c’est l’Islam ce que tu
prêches ! ». Or, je n’étais pas musulman à ce moment-là. J’étais
à fond dans le rap mais je défendais des valeurs auxquelles je croyais dur
comme fer. J’aspirais à des valeurs universelles comme la justice, la
fraternité, l’égalité des droits, la solidarité, le fait d’aider les faibles,
etc. Et, comme j’évoluais dans le monde du hip-hop, c’est en son sein que je
défendais ces valeurs. Au début, je croyais même qu’elles en faisaient partie.
En fait, plus ce à quoi
j’aspirais se faisait précis, plus je me rendais compte que le monde du rap ne
pouvait me permettre d’y accéder ; pas plus que moi je ne serai, par son intermédiaire,
en mesure de l’apporter à qui que ce soit. C’est pour ça que, vers la fin de ma
carrière, quand on me demandait ce que je pensais de la tournure que prenait le
rap, je répondais que le rap n’était pas une religion. J’entendais par là que le rap, c’est un moyen
d’expression, sans plus. Et certainement pas une idéologie. Au micro, chacun
défend son point de vue et il ne s’agit en aucun cas d’une cause commune. Ce
n’est pas non plus une croyance qui impliquerait un mode de vie particulier visant
à un changement quelconque. Même si certains individus en son sein ont ce genre
d’aspiration, ce n’est pas ça le rap. Certains diront qu’il y a différentes
catégories de rap, qu’il ne faut pas mélanger. La réalité, c’est qu’il y a
différentes catégories d’individus et que le rap n’est qu’un moyen par le biais
duquel ceux-ci exposent ce en quoi ils croient. C’est un moyen d’expression et
qui reflète à merveille ce que contiennent les cœurs de ceux qui s’y adonnent. Rien
d’autre. Quand au hip-hop en tant que projet sociétal, je ne sais pas comment
ils ont réussi à nous faire avaler cette pilule. Mais on l’a bien avalée. Moi
le premier…
– Et c’est après ce triste constat que tu as fais le pas ?
– Et c’est après ce triste constat que tu as fais le pas ?
Je n'ai pas toujours eu ce
rapport avec l'écriture, le monde de la musique et le monde en général. C'est
un cheminement qui s'est fait peu à peu. Mais toujours dans le même sens. Mon
cheminement dans le monde du rap m'a permis d'arriver à toutes ces conclusions.
Beaucoup de remises en questions, pas mal de solitude, mais jamais de
désespoir. Simplement, arrivé à ce stade, faire un cinquième album n’avait pas
de sens pour moi. J’avais fait le tour de la machine, témoigné de tout ce qui
était de mon ressort et je n’avais pas de solution miracle à proposer. A quoi
bon continuer ? L’amour de la gloire ? Du strass et des
paillettes ? De s’écouter parler ? A quoi bon changer la formule et
le style si c’est pour dénoncer les mêmes choses ? Garder ta place ?
Continuer de vendre des CD et gagner de l’argent ? Mais si tu sens au
final que ce ne sont ni l’argent ni la notoriété qui font vibrer ton cœur, et que
ce que tu recherches se trouve ailleurs. Quel intérêt de poursuivre ?
La première fois que j'ai complété une lecture du Coran, j'étais seul chez moi,
rue Léon, à Barbès. Je ne me souviens plus exactement comment ça s'est passé,
ça fait plus de douze ans maintenant, mais je sais que j'ai accepté l'Islam à
ce moment. J'ai prononcé « l'attestation de foi » [2] que j'ai lue en arabe phonétique sur un polycopié que j’avais chez moi avec quelques
livres. Et, depuis ce jour là, je me suis considéré musulman. Même si personne
n'en savait rien. Y compris les gens les plus proches de moi.
L'attestation de foi en Islam : J'atteste qu'il n'est de divinité [digne d'être adorée] Excepté Allah, et j'atteste que Mouhammad est est le Messager d'Allah. [2] |
Quelques temps après, conscient
que cette attestation avait des implications que j’ignorais, j'ai ressenti le
besoin d'aller plus loin. A l'époque, il n'y avait pratiquement rien pour
apprendre. Les livres en français étaient rares, traduits approximativement et,
lorsque je posais des questions sur l'Islam autour de moi, personne n’était en
mesure de m'apporter de réponses. J'ai donc cherché des cours en français.
Après avoir trouvé une mosquée où des cours d'introduction à l'Islam étaient
donnés le dimanche matin, j'ai décidé d'aller y faire un tour. Le prédicateur
responsable de ce cercle avait un discours franc et incisif qui m'a plu. A la
fin du cours, il a demandé si quelqu’un dans la salle souhaitait embrasser
l’Islam. Je me suis levé en levant la main et j’ai dit « Moi ! ».
Il a répondu : « Voici quelqu’un qui a l’air décidé ! ».
J’ai le sourire en y pensant. C’est vrai que j’étais décidé. A vrai dire, ca
faisait longtemps que j’attendais ce moment. A cette époque, mes clips
passaient en forte rotation à la télévision [3].
Mais je me disais qu’en cet endroit précis, je ne risquais pas d’être reconnu.
Je me suis avancé pour prononcer l’attestation de foi devant l’auditoire et,
peu de temps après, un frère s’est proposé pour m’apprendre à faire les
ablutions et la prière. Après le cours, plusieurs frères sont venus me voir. Sans
cacher, pour la plus grande partie d’entre eux, qu’ils savaient très bien qui
j’étais. Certains m’ont félicité, d’autres m’ont souhaité la bienvenue, m’ont
encouragé à persévérer et à revenir. Plusieurs sont devenus des amis que je
n’ai cessé d’aimer et de fréquenter jusqu’à aujourd’hui. La fraternité en Islam
a un goût particulier. C’était comme le début d’une nouvelle vie. Le
prédicateur avait annoncé : « Celui qui devient musulman, c’est
comme s’il venait de naître ! Il est affranchi de tout ce qu’il a pu faire
de mal au préalable. Et toutes ses mauvaises actions sont transformées en
bonnes actions. C’est un nouveau départ pour notre frère. Sache qu’en ce moment
précis, tu as une place particulière auprès de Ton Créateur. Tu es pur comme au
jour de ta naissance ! Profites-en pour L’invoquer et Lui demander ce que
tu souhaites. Veille à apprendre ta religion et à ne pas alourdir ta balance de
choses qui Lui déplaisent…». J’ai suivi son conseil du mieux que j’ai pu. A vrai dire, j’ai aussi suivi ses cours
jusqu’à la veille de mon départ au Canada. Assidument. J’avais très envie
d’apprendre et je me sentais bien dans cette nouvelle famille. C’était mes
premiers pas aux côtés de mes frères et sœurs en Islam.
(Lire la suite : Partie 3/6 - Premiers pas)
[1] Il est fait allusion ici, tout comme dans
la première partie de l’interview, à l'article répondant à la question : « Comment un être doté de raison peut-il encore croire en Dieu à notre époque ? ».
[2] C’est la formule par le biais
de laquelle on entre en Islam et qui se compose de deux parties. La première ou
l’on atteste que rien ni personne n’est digne d’être adoré en dehors du
Créateur. La seconde où l’on reconnait que le cycle de la prophétie dont ont
fait partie, entre autres, les prophètes Moïse et Jésus est vrai et qu’il a été
parachevé par la venue du prophète Muhammad. Quiconque prononce sincèrement
cette attestation, en comprenant ce qu’elle signifie, en y croyant, en acceptant
ce qu’elle implique, décidé à s’efforcer de vivre selon ses préceptes, de tout
cœur et en étant véridique devient musulman. De là, s’en suivent des droits et
des devoirs à respecter pour conserver ce statut. Car, de même que cette
attestation à des conditions pour être valable, certaines choses l’annulent.
Ainsi, afin d’être en mesure de les éviter, il ne faut pas négliger le fait de
les apprendre.
[3] Internet n’en était qu’à ses
balbutiements…
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