lundi 8 janvier 2018

Interview 2013 (Partie 2/6) - Conversion


– Comment t’es-tu intéressé à l’Islam ?
Si grand, si complexe, si bien ordonné...

Comme on l’a vu précédemment, l'Islam a toujours été plus ou moins présent dans l'environnement où j'évoluais. Et comme toute personne qui se pose sérieusement la question, je croyais déjà en l'existence d'un Créateur [1]. A part ça, je ne me souviens pas d'un moment précis ou d'un déclic particulier. Il y a quelques anecdotes, bien sûr. Par exemple, lors d’une soirée, alors que j’étais de passage en Martinique dans le cadre de l’enregistrement de mon troisième album Détournement de son -, je suis allé m’asseoir seul au bord de la mer. Le ciel était dégagé, très noir, et il y avait des étoiles partout, de tous les côtés. Je n’étais pas habitué à ce genre de paysage. Non seulement je n’avais jamais vu autant d’étoiles mais, en plus d’être innombrables, elles semblaient vraiment très proches. C’était une atmosphère presque pesante. Au loin, j’entendais la musique, l’agitation des gens qui s’amusaient, mais je restais fasciné par ces étoiles, le fait qu’elles soient si loin en réalité, que l’univers soit si grand, si complexe, si bien ordonné. Ressentir ce genre de vertige, ne serait-ce que quelques minutes, à un moment de ta vie où tout semble tourner autour de toi te laisse dans un état assez difficile à décrire. D’un côté, les gens te témoignent de l’amour, partagent tes idées, t’accordent un statut particulier et reprennent même en cœur ce que tu as écris seul un jour dans ta chambre ou ailleurs à des milliers de kilomètres de l’endroit où tu te trouves. D’un autre côté, et pour peu que tu t’accordes le temps d’y réfléchir - puis de l’admettre aussi - tu sais très bien que tu n’es pas grand-chose. Une fourmi, un grain de sable et encore bien moins que tout cela à l’échelle de l’univers. A cet instant, je me souviens qu’il m’est venu à l’esprit le fait que l’on appelait les célébrités du show-business des « étoiles », et que c’était aussi prétentieux que ridicule.

Réfléchir à la grandeur et à la perfection de la Création rappelle à l’homme qui il est vraiment. Quant au monde du show-business, il te fait oublier. Il t’enivre. Il est comme la télévision, les jeux vidéo et la musique dans les centres commerciaux, les ascenseurs et autres grands magasins. Il te fait oublier qui tu es, d’où tu viens et où tu vas. Ensuite, il t’invite à boire un verre à la terrasse d’un monde superficiel et te fait croire que tu es exceptionnel. Difficile de ne pas te prêter au jeu lorsque tout va dans ton sens. Or, si tu regardes bien, et même si tu as réellement un certain talent dans un domaine donné, ta réalité de fragile créature a tout pour te pousser à l’humilité. Car ce talent que les gens te reconnaissent, même si tu en es vraiment doté, tu sais très bien que tu n’y es pour rien. Tu es incapable de le transmettre à qui que ce soit. Et c’est bien là la preuve que tu ne le possèdes pas réellement. C’est comme la beauté, l’intelligence, le fait de « donner » la vie, etc. Les hommes et les femmes se marient, s’accouplent, font des enfants et vont même parfois jusqu’à s’enorgueillir lorsqu’ils en ont beaucoup. Mais d’où leur vient cette capacité ? Qui a donné à ton épouse ce corps qui lui permet de donner la vie ? Et toi, c’est grâce à ton intelligence que tu n’es pas stérile ? Ta finesse d’esprit ? Parce que tu es un battant ? Une machine de guerre surdiplômée ? Qui que tu sois, un courant d’air t’enrhume et un simple moustique peut te donner la mort. D’où te vient cet orgueil ? Pour qui te prends-tu ? Et pourquoi ne redescends-tu pas un peu sur terre ? Je n’avais pas souvent l’occasion de me retirer, d’être vraiment seul. Et cette vie qui défile à une vitesse ahurissante te laisse rarement le temps d’observer ces choses simples qui t’invitent à te questionner au sujet du sens de ta présence ici-bas. En vérité, nous sommes entourés de signes. Certains moments de l’existence sont plus propices que d’autres pour les observer, les saisir. Mais ils sont là, du plus profond de nous-mêmes aux horizons les plus lointains. Il faut juste prendre un peu de temps pour y réfléchir.


Un courant d’air t’enrhume et un simple moustique 
 peut te donner la mort. D’où  te  vient  cet  orgueil ? 

- D’autres anecdotes ?

Oui, certainement. Mais rien que personne ne puisse trouver en lui ou dans son entourage. Par exemple, celui qui perd un être cher alors qu’il est encore jeune apprend à vivre avec la mort. Elle est omniprésente et l’empêche même de s’accrocher trop fort aux gens qu’il aime de peur de souffrir à nouveau s’il venait à les perdre. C’est automatique, presque inconscient. Le fait de souvent penser à la mort t’apprend à tout relativiser, tes joies comme tes peines, tes amours comme tes haines. Et c’est aussi un aspect fort du cheminement spirituel. D’autre part, il y a ceux qui vivent dans l’insouciance de cette réalité. Le jour où un être qui leur est très cher quitte ce monde, ils commencent à réaliser que personne n’est éternel. Encore pire si c’est un proche de leur âge, ou plus jeune. Beaucoup de gens reviennent à la religion dans ces moments-là. Et il ne s’agit pas pour eux à cet instant, comme certains sociologues aiment à l’affirmer, de « s’accrocher à quelque-chose dans les moments difficiles ». C’est plutôt descendre du nuage de l’insouciance suite à un électrochoc qui te met devant la réalité de ton existence. De la même façon que cette personne est morte, tu vas mourir toi aussi. Cela ne fait aucun doute. Quel que soit ton statut social et qui que tu sois. Quand ? Tu n’en as aucune idée. La vraie question est : « Es-tu prêt ? » Autour de toi il y a des gens qui affirment que tu n’as pas été créé en vain, que ta vie à un sens et qu’après elle un autre monde s’offrira à toi en fonction de ce que tu auras accompli ici. Plaisir, bonheur et félicité à un degré que tu es incapable d’imaginer, ou souffrance, amertume et difficulté dont tu n’as pas idée et que tu n’es pas en mesure de supporter, ne serait-ce que l’ombre d’un instant. Ce sera l’un ou l’autre et pour l’éternité. Voila ce qu'ils disent. As-tu déjà sérieusement réfléchi à la question ? Si non, étant donné qu’aucun d’entre nous ne connait le moment de sa mort, n’est-il pas temps pour toi de t'y mettre ? Ou bien tu préfères rester à l’image d'un bébé dans le ventre de sa mère, persuadé que la vie s’arrête ici et qu’il n’y a rien après l’accouchement ? Il est pourtant tellement loin de la vérité ce bébé. Et toi, sur quoi reposent tes prétendues certitudes ? Elles sont acquises par héritage et suivi aveugle ou ce sont de réelles et profondes convictions ? Toutes ces questions traversaient mon esprit. J’entendais parler de l’Islam, je croyais en un Créateur et les autres religions ne m’avaient pas convaincu. De là à faire le pas, il ne manquait pas grand-chose.

- Quelles-ont étés les grandes lignes de ton cheminement ?

La période où j’ai sérieusement commencé à m’intéresser à l'Islam se situe entre les années 1997 et 2000. Avec le temps, j'avais atteint une certaine « maturité » que je n'avais pas à mes débuts. Le fait de voyager, de rencontrer du monde, d'écrire, de chercher à exprimer ce qui est au fond de toi, de témoigner de ce que tu as vu et vécu, l'envie de communiquer, d'écouter les autres, de te battre pour tes idées, contre les clichés, d'agir, de prendre ton destin en main, etc. Toutes ces choses, si tu as un minimum de souci d'intégrité, te font beaucoup cogiter. Tu te retrouves souvent face à toi-même, tes intentions, tes objectifs et les moyens que tu te donnes pour les atteindre. En même temps j'aimais lire, chercher à comprendre, comparer les points de vues. Avec l'expérience, c'est un peu comme si j'avais réussi à faire mon petit bilan de la société dans laquelle nous évoluions. Ses points forts, ses faiblesses, ses maladies, ses excès. Comme beaucoup d’entre nous, je savais que la crise économique n'existait pas. Du moins, qu’elle n’avait rien d’une crise. Que la réelle mixité sociale, j’entends par là pour qui n’était pas prêt à jouer le noir ou l’arabe de service, n'existait qu’au bas de l’échelle, dans le R.E.R bondé du matin, celui du soir, les tâches subalternes après les usines déshumanisantes et autres délices réservés aux gens du peuple. Tandis que les exceptions - car on ne pouvait nier qu’elles existaient - ne faisaient que confirmer la règle précédemment énoncée. Que le racisme était partout. À des degrés différents, certes, mais chez à peu près tout le monde. Même si l’on entendait prétexter ci et là qu’il avait été provoqué par des raisons distinctes, le résultat n’en restait pas moins tristement le même. Qu'entretenir la peur ou la haine de l'autre, quel qu'il soit, faisait le jeu d'une poignée de manipulateurs. Que des élus corrompus ne pouvaient être facteurs d'unité sociale, que l'individualisme et la course aux richesses nous tuaient. J'avais vu de mes propres yeux comment la société de consommation dévorait les petites gens, « offerte » qu’elle était - et sans contrepartie apparente - par des vendeurs de rêve très à cheval sur des principes qu’ils n’avaient et n’ont toujours pas. Dettes, crédits, impayés, huissiers, procès, saisies. Parcours infernal de l’ouvrier moyen, quelle que soit sa couleur, dans une société malade ou licencier des pères de famille fait monter les actions en bourse. De là, beaucoup d’entre nous ne voulaient pas de la vie qu’on nous « offrait ». A quoi bon vivre honnêtement dans un système qui ne semblait sourire qu’à la pourriture du monde ? Au nom de quoi ne pas se servir ? Qu’avions-nous réellement à perdre ? Quoi faire ? Où était l’alternative ? Marcher droit faisait de toi une victime. Utiliser la machine à ton avantage faisait de toi un tordu sans principes. La prison attendait les hors-la loi. Enfin, ceux du peuple. Le système mettait les insoumis en marge, tandis que ceux qu'il n'arrivait pas à anesthésier par un vice ou une passion quelconque, il les mettait hors d'état de nuire d’une façon ou d’une autre. Voilà, à peu de choses près, les options de vies qui nous étaient proposées. Après le bilan, c’est l’impasse. Tu te retrouves devant un système que tu sais parfaitement bancal, générateur d’injustice à tous les niveaux de la société. Chacun voulant tirer la couverture de son côté. Même lorsque celle-ci n’est plus qu’une vieille serpillière miteuse, elle se retrouve disputée, sans pitié aucune, les longues et froides nuits d’hiver des bas-fonds de Paris. Toute une liste de maladies, mais pas de remède. Et toujours cette soif de justice. J'étais à ce stade de mon expérience lorsque j'ai commencé à poser les yeux sur les textes de l'Islam.

Voilà, à peu de choses près, les options de vies qui nous étaient proposées. Après le bilan, c’est l’impasse.

– Quels étaient ces premiers textes de l'Islam ? Y’a-t-il quelque chose de particulier qui t’ait marqué à ce sujet ?

Les deux premiers livres que j’ai lus au sujet de l’Islam sont : « Les jardins des vertueux » de l’Imâm An-Nawawî ainsi qu’un second ouvrage concernant la croyance, la jurisprudence et le bon comportement dans cette religion. On me les avait offerts. Ce qui m’a marqué en les lisant, c’est de découvrir à quel point l’Islam était un système complet qui embrasse tous les aspects de la vie humaine. Il tient compte de l’état de l’individu, le fait que celui-ci ait des besoins ainsi que des aspirations. Il lui explique clairement le sens de la vie, d’où il vient et où il va d’une façon très accessible, cohérente et sans tortuosités. De là, il lui indique le chemin permettant non seulement de réformer sa personne mais aussi, à plus grande échelle, de réguler la vie sociale avec justice et équité. Il est spiritualité mais ne demande pas à ses adeptes de nier leur nature humaine, de vivre sans se marier, par exemple, en jeûnant continuellement ou retirés du monde. Il est vie sociale mais invite ses adeptes à la sincérité, à fuir l’ostentation, l’individualisme, la tricherie, la corruption et à œuvrer dans l’intérêt du plus grand nombre ; qu’ils soient en public ou en privé. Il rappelle à l’homme qui s’enorgueillit de quel genre de liquide il a été créé et à celui qui baisse trop la tête qu’il est la plus noble des  créatures à la surface de la terre, chargé d’une mission qu’il doit s’efforcer d’accomplir, dans les limites de ses capacités. C’est un rapport avec ton Créateur, une spiritualité active ayant un impact sur toi-même, ton comportement avec ta famille, tes voisins, tes proches et le reste du monde. En fait, pour ne pas faire trop long, disons que dès que j’ai commencé à parcourir les textes de l’Islam, j’y ai trouvé la paix du cœur. Non seulement j’avais la réponse au pourquoi de ma présence sur terre. Mais, en plus, s’offrait à moi un système complet permettant d’éradiquer les maladies que l’expérience m’avait permis de diagnostiquer sans pour autant me permettre de leur trouver un remède.

– Combien de temps as-tu pris pour valider ton choix ?

Je ne sais pas. J'ai l'impression que mon cheminement a débuté le jour où j'ai commencé à écrire. Ou plutôt, le jour où j'ai compris que les mots avaient une valeur, un sens. Qu'on ne pouvait pas se dédouaner de la somme de ce que l'on véhicule sous le prétexte d'être un « artiste ». Qu'avant d'être « artiste » ou quoi que ce soit d'autre, tu es un être-humain avec des responsabilités. Qu’à la surface de la terre, il y a des forces et des idéologies qui s'affrontent. Et que tu fasses semblant de ne pas les voir sous prétexte que ça te « saoule » ou que tu « n’y comprends rien », ne fera jamais de toi un innocent. J’ai pris le rap très au sérieux. Trop même. Ça prenait tout mon temps. Toute ma vie. Mais paradoxalement, je ne ressentais pas ce vide spirituel dont parlent beaucoup de frères et sœurs convertis lorsqu’ils décrivent leur vie avant l’Islam. C’est peut-être dû au fait qu’à partir du moment où j’ai quitté le crédo nombriliste de l’égo-trip, j’étais impliqué corps et âme dans ce que je faisais. Nous avions un combat. A notre échelle, tout avait un sens. Nos relations avec le public, le contenu de nos textes, nos vies en dehors de la lumière des projecteurs. Tout était lié. Même si, bien évidement, chacun d’entre nous avait ses faiblesses et ses écarts de comportement, nous nous efforcions d’être cohérents. A ce sujet, je me souviens avoir parlé de ma façon de voir la notion d’intégrité du point de vue de l’écriture en général et du monde du rap en particulier avec une connaissance à l’époque et qu’il m’a répondu : « Mais c’est l’Islam ce que tu prêches ! ». Or, je n’étais pas musulman à ce moment-là. J’étais à fond dans le rap mais je défendais des valeurs auxquelles je croyais dur comme fer. J’aspirais à des valeurs universelles comme la justice, la fraternité, l’égalité des droits, la solidarité, le fait d’aider les faibles, etc. Et, comme j’évoluais dans le monde du hip-hop, c’est en son sein que je défendais ces valeurs. Au début, je croyais même qu’elles en faisaient partie.


En fait, plus ce à quoi j’aspirais se faisait précis, plus je me rendais compte que le monde du rap ne pouvait me permettre d’y accéder ; pas plus que moi je ne serai, par son intermédiaire, en mesure de l’apporter à qui que ce soit. C’est pour ça que, vers la fin de ma carrière, quand on me demandait ce que je pensais de la tournure que prenait le rap, je répondais que le rap n’était pas une religion. J’entendais par là que le rap, c’est un moyen d’expression, sans plus. Et certainement pas une idéologie. Au micro, chacun défend son point de vue et il ne s’agit en aucun cas d’une cause commune. Ce n’est pas non plus une croyance qui impliquerait un mode de vie particulier visant à un changement quelconque. Même si certains individus en son sein ont ce genre d’aspiration, ce n’est pas ça le rap. Certains diront qu’il y a différentes catégories de rap, qu’il ne faut pas mélanger. La réalité, c’est qu’il y a différentes catégories d’individus et que le rap n’est qu’un moyen par le biais duquel ceux-ci exposent ce en quoi ils croient. C’est un moyen d’expression et qui reflète à merveille ce que contiennent les cœurs de ceux qui s’y adonnent. Rien d’autre. Quand au hip-hop en tant que projet sociétal, je ne sais pas comment ils ont réussi à nous faire avaler cette pilule. Mais on l’a bien avalée. Moi le premier…

– Et c’est après ce triste constat que tu as fais le pas ?

Je n'ai pas toujours eu ce rapport avec l'écriture, le monde de la musique et le monde en général. C'est un cheminement qui s'est fait peu à peu. Mais toujours dans le même sens. Mon cheminement dans le monde du rap m'a permis d'arriver à toutes ces conclusions. Beaucoup de remises en questions, pas mal de solitude, mais jamais de désespoir. Simplement, arrivé à ce stade, faire un cinquième album n’avait pas de sens pour moi. J’avais fait le tour de la machine, témoigné de tout ce qui était de mon ressort et je n’avais pas de solution miracle à proposer. A quoi bon continuer ? L’amour de la gloire ? Du strass et des paillettes ? De s’écouter parler ? A quoi bon changer la formule et le style si c’est pour dénoncer les mêmes choses ? Garder ta place ? Continuer de vendre des CD et gagner de l’argent ? Mais si tu sens au final que ce ne sont ni l’argent ni la notoriété qui font vibrer ton cœur, et que ce que tu recherches se trouve ailleurs. Quel intérêt de poursuivre ? La première fois que j'ai complété une lecture du Coran, j'étais seul chez moi, rue Léon, à Barbès. Je ne me souviens plus exactement comment ça s'est passé, ça fait plus de douze ans maintenant, mais je sais que j'ai accepté l'Islam à ce moment. J'ai prononcé « l'attestation de foi » [2] que j'ai lue en arabe phonétique sur un polycopié que j’avais chez moi avec quelques livres. Et, depuis ce jour là, je me suis considéré musulman. Même si personne n'en savait rien. Y compris les gens les plus proches de moi.


  L'attestation de foi en Islam : J'atteste qu'il n'est de divinité [digne d'être adorée]
Excepté Allah, et j'atteste que Mouhammad est est le Messager d'Allah. [2]


Quelques temps après, conscient que cette attestation avait des implications que j’ignorais, j'ai ressenti le besoin d'aller plus loin. A l'époque, il n'y avait pratiquement rien pour apprendre. Les livres en français étaient rares, traduits approximativement et, lorsque je posais des questions sur l'Islam autour de moi, personne n’était en mesure de m'apporter de réponses. J'ai donc cherché des cours en français. Après avoir trouvé une mosquée où des cours d'introduction à l'Islam étaient donnés le dimanche matin, j'ai décidé d'aller y faire un tour. Le prédicateur responsable de ce cercle avait un discours franc et incisif qui m'a plu. A la fin du cours, il a demandé si quelqu’un dans la salle souhaitait embrasser l’Islam. Je me suis levé en levant la main et j’ai dit « Moi ! ». Il a répondu : « Voici quelqu’un qui a l’air décidé ! ». J’ai le sourire en y pensant. C’est vrai que j’étais décidé. A vrai dire, ca faisait longtemps que j’attendais ce moment. A cette époque, mes clips passaient en forte rotation à la télévision [3]. Mais je me disais qu’en cet endroit précis, je ne risquais pas d’être reconnu. Je me suis avancé pour prononcer l’attestation de foi devant l’auditoire et, peu de temps après, un frère s’est proposé pour m’apprendre à faire les ablutions et la prière. Après le cours, plusieurs frères sont venus me voir. Sans cacher, pour la plus grande partie d’entre eux, qu’ils savaient très bien qui j’étais. Certains m’ont félicité, d’autres m’ont souhaité la bienvenue, m’ont encouragé à persévérer et à revenir. Plusieurs sont devenus des amis que je n’ai cessé d’aimer et de fréquenter jusqu’à aujourd’hui. La fraternité en Islam a un goût particulier. C’était comme le début d’une nouvelle vie. Le prédicateur avait annoncé : « Celui qui devient musulman, c’est comme s’il venait de naître ! Il est affranchi de tout ce qu’il a pu faire de mal au préalable. Et toutes ses mauvaises actions sont transformées en bonnes actions. C’est un nouveau départ pour notre frère. Sache qu’en ce moment précis, tu as une place particulière auprès de Ton Créateur. Tu es pur comme au jour de ta naissance ! Profites-en pour L’invoquer et Lui demander ce que tu souhaites. Veille à apprendre ta religion et à ne pas alourdir ta balance de choses qui Lui déplaisent…». J’ai suivi son conseil du mieux que j’ai pu.  A vrai dire, j’ai aussi suivi ses cours jusqu’à la veille de mon départ au Canada. Assidument. J’avais très envie d’apprendre et je me sentais bien dans cette nouvelle famille. C’était mes premiers pas aux côtés de mes frères et sœurs en Islam.

 (Lire la suite  : Partie 3/6 - Premiers pas)





[1] Il est fait allusion ici, tout comme dans la première partie de l’interview, à l'article répondant à la question : « Comment un être doté de raison peut-il encore croire en Dieu à notre époque ? »
[2] C’est la formule par le biais de laquelle on entre en Islam et qui se compose de deux parties. La première ou l’on atteste que rien ni personne n’est digne d’être adoré en dehors du Créateur. La seconde où l’on reconnait que le cycle de la prophétie dont ont fait partie, entre autres, les prophètes Moïse et Jésus est vrai et qu’il a été parachevé par la venue du prophète Muhammad. Quiconque prononce sincèrement cette attestation, en comprenant ce qu’elle signifie, en y croyant, en acceptant ce qu’elle implique, décidé à s’efforcer de vivre selon ses préceptes, de tout cœur et en étant véridique devient musulman. De là, s’en suivent des droits et des devoirs à respecter pour conserver ce statut. Car, de même que cette attestation à des conditions pour être valable, certaines choses l’annulent. Ainsi, afin d’être en mesure de les éviter, il ne faut pas négliger le fait de les apprendre.
[3] Internet n’en était qu’à ses balbutiements…

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